Les sites archéologiques sont une ressource publique fragile et non renouvelable. Ils sont les traces matérielles du passé qui permettent une meilleure connaissance des différentes périodes de l’histoire de la ville, renseignent sur les développements politique, socio-économique et culturel de la société et constituent un potentiel touristique considérable.
Les prospections et les fouilles archéologiques réalisées dans le territoire de la ville de Tanger et de ses littoraux depuis la première moitié du siècle dernier ont permis la mise à jour d'un nombre impressionnant de sites datant des différentes civilisations (préhistorique, phénicienne, romaine et islamique).
Les vestiges apparents de nos jours tels que les grottes d'Achakkar et le site de Cotta au Cap Spartel, les nécropoles punico-romaines de Merchan et de la rue Ibn al Abbar, l’arsenal de Tanger dit « kasba de Ghaylan », le camp militaire romain El Bonian sur la rue de Tétouan, la kasba de Sayoufa dans le douar de sayoufa à côté de Hakama, le site archéologique de ksar Sghir, l'atelier de céramique romain d'El Kouass à Briech, la cité romaine de Zilil à Had el Gharbia à proximité de la ville d'Assilah, ne représentent qu'une infime partie d'un trésor beaucoup plus riche qui jalonne tout le territoire de Tanger.
Les Grottes sont situées sur le massif de Cap Spartel, au large de la côte atlantique. Elles constituent incontestablement la première destination touristique à Tanger et le site le plus visité en raison de sa beauté naturelle, de sa charge mythologique et de sa valeur patrimoniale considérable.
Cette valeur est attestée par des témoins archéologiques importants, datant notamment de l’époque néolithique, mis au jour au cours des fouilles dont les grottes ont fait l’objet depuis leur découverte en 1878. Les grottes et leur environnement immédiat ont été classés comme site historique et pittoresque depuis le 30 décembre 1950.
Sur la rive droite de l’Oued Zitoun, à 150 m de l’estuaire, se situe un réseau de cavités, partiellement comblé de sédiments, s’ouvrant vers le sud appelés les grottes d’El Khil.
Les grottes El Khil A, El Khil B et El Khil C, constituant ce réseau, ont été signalées dès la fin du XIXème siècle. Les fouilles entreprises dès 1947 par la mission américaine et en 1958 et 1984 par la mission française ont livré un matériel archéologique appartenant notamment à l’époque néolithique (la céramique cardiale et une figurine féminine en terre cuite). Les collections sont conservées au Peabody musuem de l’université de Cambridge aux Etats Unis et au musée archéologique de Tanger.
Situé à environ 15 km à sud de la ville moderne de Tanger, ce site archéologique, s'étend sur le flanc d'une colline aux pieds de la montagne "Jebel Dahar Zhirou", dans une région fertile où coule le fleuve Mehardad avec ses affluents. Les fouilles ont révélé des traces d'une nécropole mégalithique d'époque phénico-punique, composée de 84 tombes, dont 77 de type "à caisse", généralement de forme rectangulaire et trapézoïdale, 2 sarcophages et 5 tombes construites par assemblage de blocs bien coupés
Les dimensions des tombes sont très différentes en longueur et en largeur : de 1 à 2 mètres pour les plus grands exemplaires, et de 20 à 30 centimètres pour les plus modestes. La profondeur varie, cependant, de 10 à 80 centimètres.
Le mobilier funéraire découvert se compose essentiellement de céramiques et d'objets métalliques ordinaires et typiques de l'époque, à l'exception des bijoux réalisés aussi bien en or qu'argent selon les traditions artisanales clairement empruntées à la civilisation phénicienne. Compte tenu de l'absence de lampes, de statues puniques et de céramiques grecques du V-IVéme siècle avant J.-C. et de la rareté des vases attiques, la typologie des tombes et la manufacture des pièces métalliques découvertes font pencher pour une datation comprise entre le VIIe et les débuts du Véme siècle avant J.-C.
A quelques kilomètres à peine de Jorf Al Hamra, au pied de Ras Achakar près des grottes d'Hercule, se trouve le site de Cotta considéré comme le plus vaste ensemble architectural dégagé dans la région de Tanger. Son existence s’étend du IIéme siècle avant j.c, jusqu’à la fin du IIIème siècle après j.c.
C’est un établissement industriel de salaison de poisson et de fabrication de garum (huile de poisson) qui faisait partie d’un large consortium groupant plusieurs usines d’Andalousie et du Nord du Maroc. Les premières fouilles y ont été effectuées par C. de Montalban, mais c'est à M. Ponsich que revient le mérite d'avoir dégagé ces ruines et d'avoir apporté des précisions quant à leur chronologie.
Les sondages pratiqués dès 1959 à l'extérieur de l'usine ont fourni un matériel qui permet d'affirmer que le site était occupé dès les III-IIème siècle av. J.-C. Le site de Cotta représente un point stratégique pour une navigation de cabotage et il a été le nucleus d'une installation humaine depuis l'époque préhistorique. Il se présente sous forme d’un complexe industriel composé essentiellement d’ateliers de salaisons de poissons et de production de Garum. Il est constitué d’un grand nombre de bassins dont la profondeur atteint 2m. Sous les règnes du roi Juba II et de son fils Ptolémée, cette activité prendra de l’ampleur permettant ainsi l’apparition d’autres industries en parallèle notamment l’extraction du sel et du pourpre.
Le site de Cotta renferme une usine de salaison d'époque romaine qui est considérée parmi les établissements les plus conservés en Méditerranée occidentale. Actuellement le site est formé de plusieurs constructions dont les plus importantes sont l’atelier de salaisons, les thermes, des édifices à galeries et un temple.
La nécropole de Mershan, dénommée « glissoirs du Marshan » est classée monument historique le 15 Février 1934. Elle est située au Nord-est de Tanger, à 450 m des remparts de la médina sur le plateau rocheux de Mershan formant un à pic de 15 m sur la mer. Quatre-vingt-dix-huit (98) tombes ont été exhumées, dont plus de cinquante (50) taillées en caisson dans le roc du plateau de Merchan.
Cette nécropole a fourni peu de matériel datable, mais en somme nous sommes en présence d’un site archéologique où furent exhumés des objets de tradition punique ou néo-punique, avec un matériel romain de plusieurs époques.
Au musée de Tanger on peut voir les sarcophages en plomb, restes d’un enfant et une urne, un petit vase en verre et des fragments d’une petite statuette. La phase finale de l’occupation de la nécropole remonte à la fin du IVème siècle après J.-C. La nécropole s’étend vers le Sud, sur la rue Ibn al-Abbar (ex-paseo Cenaro) où ont été exhumées 28 tombes toujours dans le roc.
Le site de Kouass est situé sur la rive droite de l'oued Gharifa, à environ 25 Km au sud de Tanger, et à quelques kilomètres au nord d'Assilah. La position géographique et topographique de Ras Kouass explique, sans doute, les raisons du choix de cet emplacement dans l'antiquité. La présence du fleuve Gharifa, la proximité d'un port naturel, la présence de terres fertiles et de carrières d'argile ont permis et facilité, certainement, l'installation humaine sur le site de Kouass.
Les fouilles effectuées sur le site ont permis de dégager plusieurs fours de potiers d’époque préromaine qui ont produit des amphores et des céramiques durant une longue période allant du VIème au Ier siècle av. J.-C. Outre les ateliers de potiers, M. Ponsich a reconnu une construction à caractère défensif qui se rapproche, du point de vue technique de construction des bâtiments pré-romains de Tamuda et de Lixus, des usines de salaisons datées de l'époque impériale (I-IIème siècle. ap. J.-C.), un aqueduc et une citerne.
Le site de Dchar Jdid est situé à 13 Km au nord-est de la ville d'Asilah et à l’est du village de Had el Gharbia. Il occupe, avec les bâtiments suburbains, une superficie de 32ha, à l'extrémité d'une avancée orientée est - ouest d’un plateau, qui, à l'ouest, descend doucement vers la plaine côtière. En 1977, une équipe maroco-française a repris la recherche archéologique sur le site. Les fouilles entreprises sur « la citadelle » entre 1977 et 1980 ont confirmé l'idée d'une occupation du site à l'époque préromaine (fin du IIème siècle av. J.-C. et troisième quart du Ier siècle av. J.-C.).
Entre 33 et 25 av. J.-C., la ville fut détruite et l’empereur Auguste y installa une des trois colonies romaines de Maurétanie occidentale, Iulia Constantia Zilil. Les fouilles entreprises sur le site ont permis de dégager des quartiers d’habitation, un grand temple, un ensemble thermal, une imposante citerne à quatre compartiments, alimentée par un aqueduc en partie souterrain, sera construite pour l'alimenter en eau, postérieurement à Hadrien. Enfin, dans la seconde moitié du IIème siècle, comme d'autres cités de la Tingitane, Zilil se dote d'une enceinte, fouillée partiellement près des portes nord et ouest, mais repérée sur la majorité de son tracé grâce à la prospection électrique.
La ville a été détruite, à un moment archéologiquement indéterminé, entre 238 et le milieu du IVème siècle. L'étude des monnaies issues des fouilles de Dchar Jdid montre que la reconstruction de la ville résulte d'une décision impériale et peut être datée assez précisément des années 355-360 ap. J.-C. La création la plus spectaculaire est celle d'une église paléochrétienne, à trois nefs, pourvue d'un baptistère et de diverses annexes, près de la porte ouest de l'enceinte, unique monument de cette catégorie dégagé en Maurétanie Tingitane. La ville fut détruite au début du Vème siècle. mais la date de l’arrêt définitif de l’occupation du site n’est pas encore déterminée.
Le site d’El Benian est situé sur la route de Tétouan à 22 km à l'Est de la ville de Tanger. C’est un camp militaire romain, dont les vestiges ont été découverts en 1876 par l’archéologue français Charles Tissot, construit à la fin du IIIème siècle après J.C. pour renforcer une ligne de défense composée des camps de Ghandori, de Tamuda et de Souiar destinée à protéger la ville de Tingis (Tanger romaine) et sa région contre les attaques de la population autochtone.
Des fouilles archéologiques récentes (2009) ont fait état de la découverte d'objets de poteries remontant au 1er siècle après J-C. Cette trouvaille laisse supposer que le site d’El Benian a été occupé à la date suscitée avant d'être transformé en un camp militaire au IIIème siècle après J-C.
A 22 km au sud-ouest de Tanger, au pied du plateau de Charf Laakab et en bordure de la lagune de Tahaddart, existe le site de Ayn al Hammam près d’une source du même nom. Ces thermes, se présentant sous forme de deux corps de bâtiments distincts, ont été fouillés en 1910, 1958 et 1960.
Leur isolement en rase compagne tangéroise ne manqua d’exciter la curiosité des historiens et archéologues dont certains voient une station thermale fréquentée par les habitants de la région et d’autres un établissement placé dans la périphérie d’une cité ancienne.
La ville médiévale de Ksar Seghir faisant partie du « Cercle du Détroit du Gibraltar », constitue actuellement l’un des sites archéologiques majeurs du Maroc et l’un des plus prestigieux du pourtour méditerranéen.
L'occupation médiévale du site fut précédée par une présence humaine attestée dans son territoire immédiat et ce dès l'antiquité voire même à partir des temps préhistoriques.
Le site antique de Dhar Asekfane (VIème siècle avant J.C. – IVème siècle après J.C), situé à environ 500 m au sud de ville médiévale de Ksar Seghir, demeure jusqu’à présent le témoin le plus élucidant de l'occupation antique dans la région de Ksar Seghir.
Le site médiévale de Ksar Seghir fait environ 2,5 hectares de superficie et se compose de deux unités monumentales et urbaines : La ville islamique et la citadelle portugaise.
La ville islamique est inscrite dans une enceinte circulaire de 200 m de diamètre lui conférant son originalité planimétrique et urbaine aussi bien au Maroc qu'en Occident musulman.
Nos informations sur le site pendant le Haut Moyen-Age sont très sobres. Il fut mentionné tout d'abord au Xème siècle par Marsa Bab al Yem (mouillage de la porte de la mer) après avoir été occupé par un Ribat. Sous les Idrissides, il faisait partie de la principauté d’al-Kacem Ibn Idris II. En 971, les Omeyyades d'al-Andalous tentèrent de s’en approprier suite à une expédition ordonnée par le calife al-Hakam al-Moustansir. Au XIème siècle, il est cité sous le nom de Kasr al-Majaz (château de la traversée), de Madinat al-Yam (la ville de la mer) ou al Kasr al-Awal (le premier château).
Au même siècle, le site connu également par Kasr Masmouda, fut utilisé comme base de départ par l'Emir almoravide Youssef Ibn Tachfin lors de sa deuxième traversée vers al-Andalous en 481 de l'Hégire.
Sous le règne des califes Almohades, notamment Abd al-Moumen et Yaakoub al Mansour, Ksar Seghir devint un grand chantier de construction navale et fut le port le plus en usage dans les passages vers al-Andalous.
Les sultans Mérinides, Yaakoub Ibn Abd al-Hak, Youssef Ibn Yaakoub et autres s’en servirent également dans leurs traversées vers al-Andalous.
En 686H/1287, le sultan mérinide Youssef Ibn Abd al Hak fortifia la ville de Ksar Seghir en la dotant d’une enceinte circulaire et de portes monumentales.
A partir de la deuxième moitié du XVème siècle, la ville subit un nouveau sort avec le débarquement en 1458 des forces portugaises sous le règne d'Alphonse V. Après leur évacuation en 1550, au temps de Jean III, le site servit au début du XVIIème siècle de port pour accueillir la population morisque refoulée d’al-Andalous.
Avec l’occupation lusitanienne, la ville islamique a subi des transformations multiples qui ont touché des édifices publics et religieux, mais elle a surtout connu l’implantation d’un système défensif étrange à l’architecture islamique : il s’agit de la citadelle et sa fameuse Couraça.
Les vestiges de ce monument se situent sur la route de Malabata, sur la rive gauche de l’oued al Chat à environ 2,5 km de l’ancienne Médina. Ils sont limités au nord par le Boulevard Mohamed VI reliant Tanger-ville à Malabata, au sud par le quartier Tanja al-Balya, à l’est par un paysage lacustre et à l’ouest par la résidence estivale de Bank al-Magrib.
Le monument est une réalisation architecturale qui remonterait au XIVème siècle, pendant le règne de la dynastie mérinide. Il s’agirait d’un chantier naval, une Dar Sina’at soufoun, qui existait à Tanger depuis au moins le XIème siècle.
Le monument présente deux remparts avec des dimensions importantes évoquant une forteresse de taille monumentale. Le rempart Est présente un chemin de ronde, cinq tours de forme carrée dont la plupart sont en état de ruine et deux autres tours de dimensions plus importantes aux extrémités Nord-Est et Sud-Est. On accède à la forteresse par deux portes percées dans le rempart Nord et défendues de part et d’autre par des tours barlongues. Faute de recherches archéologiques approfondies, on ignore jusqu’ici la localisation exacte des remparts Sud et Ouest.
D’après la description, le monument semble doté des principaux éléments de défense (tours de forme rectangulaire, porte monumentale défendue par des tours et chemin de ronde) qui lui confèrent un rôle militaire. Cependant, son emplacement topographique dans un paysage lacustre et fluvial non loin de la mer, justifie amplement sa fonction de chantier naval.
La kasba de Sayyoufa se situe au sud du douar de même nom appartenant à la commune de Jouamaa dépendant du territoire de la Province Fahs Anjra. Perché sur un piton rocheux de la montagne de « Zinat » sur une altitude de près de 300m, elle est accessible depuis la route nationale n°2 menant à Tétouan à travers une piste de 2,5 km distante de près de 900m du centre de « Hakkama ».
La position stratégique du site permet le contrôle de la vallée s’étendant des côtés sud et ouest et dont le barrage « Ibn Batouta », construit sur l’oued « Sania », occupe une partie importante. Ce site domine également la plaine allant jusqu’à oued Tahaddart, la route tertiaire reliant Tanger à Dar Chaoui et la route principale reliant Tanger à Tétouan.
La population locale désigne la colline qui abrite le site par l’appellation « loutea » ou terrain plat et les structures archéologiques par l’appellation « ksiba » ou « kasba ».
La forteresse dans son état actuel se compose d’une enceinte en forme de pentagone irrégulier épousant la topographie du terrain, pourvue de chemin de ronde et de parapet et renforcée de tours de forme carrée dont certaines sont effondrées et d’autres ne sont qu’un amas de pierres. Les matériaux de construction sont des moellons de dimensions dégrossis liaisonnés avec un mortier de chaux.
Etant donné sa situation imprenable, ce site faisait certainement partie du réseau de forteresses islamiques construites sur des sites stratégiques tout le long des itinéraires et des routes.
La forteresse d’Agla est située à près de 5 km à l’ouest de la ville de Tanger et au sud-est de la forêt de Perdicaris. Depuis le mirador de Perdicaris nommé localement « terrassa », sis à quelques centaines de mètres en contrebas du centre de Rmilat, on peut accéder au site de cette forteresse par un chemin signeux d’environ 500m à travers la forêt.
C’est un monument en état de ruine couvert dans sa plus grande partie par une végétation dense qui laisse apparaître sa silhouette générale. Le monument épouse la forme d’un carré de taille moyenne (40,5 m sur 40,5 m). Il est doté de quatre tours d’angle de plan carré faisant 4m sur 4m. Des témoins de la porte d’accès à la Kasba sont toujours visibles du côté nord et les vestiges d’escaliers menant au niveau supérieur sont présents au niveau de la tour nord-est.
L’appareillage des murs est fait d’un lit de moellons dégrossis alternant avec une arase de briques ou de moellons de petites dimensions et le chaînage d’angle des tours est fait d’une alternance de carreau et de boutisses. Les murs, inégalement conservés en hauteur et dont le plus haut n'atteigne ne dépasse pas 2 m, sont badigeonnés par un enduit à base de chaux. L’intérieur de la Kasba ne conserve pas de restes de constructions anciennes identifiables.
La forteresse d'Agla pose dans l’état actuel de la recherche un problème de datation faute d’étude détaillée de ses composantes architecturales, de recherches élargies sur les textes historiques et de prospection archéologique dans les environs immédiats du bâtiment.